24h Le Mans

Jean Guichet : Entretien avec le « Doyen » de l'Endurance

Jean Guichet: A Conversation with the “Dean” of Endurance
En 1967, Jean Guichet faisait partie de l'équipe de courses d'endurance de Ferrari qui avait contrecarré la domination historique de Ford l'année précédente. Aux 24 heures de Daytona 1967, le copilote de Guichet était feu Pedro Rodriguez, qui aurait eu 80 ans ce mois-ci. Automobilist a récemment interviewé Jean Guichet et a discuté de son héritage de course, de sa passion pour la performance et de ce que c'était de conduire avec Pedro Rodriguez.

AUTOMOBILISTE : VOUS AVEZ ÉTÉ APPELÉ LE « DOYEN » DES ANCIENS VAINQUEURS DU MANS. Mais ce qui est intéressant, c'est que votre succès est quelque peu autodidacte. COMMENT ÊTES-VOUS DEVENU PILOTE DE COURSE POUR FERRARI ?

Jean Guichet : J'ai piloté pour Ferrari pendant 10 ans, de 1957 à 1967, [d'abord] comme « pilote privé » de 1957 à 1963, puis comme pilote officiel de la Scuderia Ferrari de 1963 à 1967. En Championnat du Monde avec Ferrari , mes résultats étaient de 19 podiums et cinq victoires.

Après mes résultats en tant que pilote privé Ferrari (qui ont notamment remporté le Tour de France Automobile et les 6 Heures de Dakar en 1963, deuxième aux 1000 kilomètres du Nürburgring en 1963 et deuxième au Mans en 1962) et surtout mes résultats avec le GTO, M. [Enzo] Ferrari m'a contacté et je suis devenu pilote officiel de la Scuderia.

Il m'a écrit [pour me dire] que j'allais piloter le nouveau prototype à moteur arrière P. Ma première course avec une voiture officielle fut au Mans en 1963, avec la 330 LMB quatre litres.

AUTOMOBILISTE : QUAND FERRARI A REMPORTÉ LES 24 HEURES DU MANS EN 1949, SA TOUTE PREMIÈRE PARTICIPATION, VOUS AVEZ QUE 22 ANS. Qu'est-ce qui vous a intrigué dans cette course, et comment cela vous a-t-il poussé à lancer une entreprise de course autofinancée – ou « privée », comme vous l'appelez ?

Jean Guichet : Ma première participation au Mans remonte à 1956 comme pilote officiel de Gordini avec Robert Manzon. A cette époque, j'étais un jeune pilote de rallye et je suis devenu pilote officiel de Renault. Les voitures de rallye Renault étaient équipées de moteurs Gordini. Manzon, qui était un pilote Gordini très célèbre, a vu mon potentiel et m'a donné la chance de rencontrer Gordini et de piloter avec lui au Mans.

AUTOMOBILISTE : VOUS AVEZ GAGNÉ LES 24 HEURES DU MANS 1964 AVEC LE CO-PILOTE NINO VACCARELLA, AU VOLANT D'UNE FERRARI 275 P POUR LA SCUDERIA FERRARI. LE PLUS IMPRESSIONNANT, VOUS L'AVEZ FAIT APRÈS TERMINER TROISIÈME EN 1961 ET DEUXIÈME EN 1962. AU-DELÀ DE LA VOITURE (VOUS AVEZ COURI SUR UNE FERRARI 250 GTO EN 1962), QUELS AJUSTEMENTS AVEZ-VOUS FAIT POUR VOUS METTRE AU SOMMET DU PODIUM ?

Jean Guichet : En 1961 et 1962, j'ai roulé avec Pierre Noblet. Notre petite équipe privée a été très efficace ; nous avons d'abord eu une 250 SWB puis la 250 GTO. Nous avons concouru pour les victoires au classement général avec une équipe privée et une voiture GT contre les équipes officielles les plus fortes avec des voitures prototypes. La GTO était une voiture extraordinaire – rapide et robuste. Au Mans 1962 avec la GTO, nous avons terminé à la deuxième place, proche de la première voiture qui était un prototype de 4 litres [la 330 TRI/LM].

Quand je suis devenu pilote officiel, j'ai pu piloter les prototypes à moteur arrière les plus rapides avec la meilleure équipe, les meilleurs techniciens et une [opération] logistique énorme. Les choses étaient vraiment différentes.

Au Mans 1964, Nino Vaccarella et moi pilotions une 275 P. [Elle] fonctionnait parfaitement. Nous avons roulé le plus vite possible dans le plus grand respect du mécanicien. Nous avons gagné la course. C'était fantastique!

AUTOMOBILISTE : VOUS AVEZ ÉGALEMENT COURTÉ LES 24 HEURES DE DAYTONA EN 1967, L'ANNÉE APRÈS LES TRIOMPHES DE FORD À DAYTONA, SEBRING ET LE MANS. QUELLE EST LA PRESSION EXISTE-T-IL SUR VOUS PERSONNELLEMENT ET SUR FERRARI EN GÉNÉRAL, POUR RÉPONDRE À LA DOMINANCE DE FORD DE 1966 ? COMMENT AVEZ-VOUS GÉRÉ CETTE PRESSION ?

Jean Guichet : En effet, lorsque l'on parle de la compétition Ferrari-Ford et de la victoire de Ford au Mans, il faut aussi penser au triplé de Ferrari à Daytona en 1967. La course de 24 heures qui a suivi le Mans a été les 24 Heures de Daytona. Ainsi, aux États-Unis, c'était sur le territoire d'origine de Ford.

Nous avions beaucoup de pression, mais les principaux problèmes techniques rencontrés au Mans – comme la boîte de vitesses – avaient été résolus.

Les Ferrari ont remporté les trois podiums, Pedro Rodriguez et moi terminant troisième. Vers la fin de la course, la direction de Ferrari nous a donné l'ordre de regrouper les trois voitures de tête et de franchir ensemble la ligne d'arrivée, ce que nous avons fait. À l’époque, c’était considéré comme notre revanche sur Ford, et je pense que c’était le véritable point culminant de la bataille entre Ford et Ferrari.

AUTOMOBILISTE : COMME VOUS L'AVEZ NOTÉ, VOTRE CO-PILOTE DES 24 HEURES DE DAYTONA 1967 ÉTAIT LE DÉCÈS PEDRO RODRIGUEZ, UN PILOTE CONNU POUR SON AMOUR DES COURBES ET DE LA PRISE DE RISQUE. VOUS AVEZ DÉCRIT VOTRE APPROCHE DE LA COURSE D'ENDURANCE EN DES TERMES PLUS PRAGMATIQUES, EN VOUS CONCENTRANT SUR LES LIMITES ET EN "JAMAIS AU-DELÀ DE LA STRATÉGIE". COMMENT SON STYLE DE CONDUITE EST-IL ASSOCIÉ AU VÔTRE PENDANT LA COURSE DE 1967 ?

Jean Guichet : Exactement. Mon ami Pedro Rodriguez et moi avons été très élogieux et l'équipe des pilotes a très bien travaillé. En 1965, nous avons gagné les 12 Heures de Reims avec une Ferrari P2. En 1967, nous avons terminé troisièmes aux 24 Heures de Daytona et nous avons couru ensemble les 1 000 kilomètres de Monza et les 12 Heures de Sebring.

AUTOMOBILISTE : AU DÉBUT DE LA COURSE DAYTONA 1967, PEU DE PRESSE AUTOMOBILE ONT DONNÉ À LA FERRARI 412P DE 4 LITRES BEAUCOUP DE CHANCE CONTRE LA FORD GT40S DE 7 LITRES. À votre avis, qu'est-ce qui explique le succès de Ferrari lors de cette course (les trois premières places sont allées à Ferrari ; la Ford la plus proche était la sixième) ?

Jean Guichet : Au Mans en 1966, Ford engageait un arsenal de Ford GT40 ; il y en avait 13 sur la grille. Ferrari s'est engagée avec seulement trois Ferrari 330 P3. J'ai roulé avec [Lorenzo] Bandini et j'ai été la dernière Ferrari P3 à rester en piste, mais nous avons dû abandonner à la 17e heure. Les Ferrari sont tombées en panne et les Ford ont terminé 1-2-3.

Pour Daytona [1967], les choses étaient différentes. Nous avions changé de stratégie et les problèmes techniques que nous avions rencontrés au Mans avaient été résolus. L'équipe était pleinement impliquée et motivée. Et Ferrari termine 1-2-3 !

RÉVÉLER:

Pour célébrer son 53ème anniversaire, Automobilist offre une affiche Ferrari 412P - 24 Heures de Daytona 1967 - Édition Limitée, signée par Jean Guichet lui-même.

Participez dès maintenant sur l'Instagram d'Automobilist .

Automobilist tient à remercier tout particulièrement Jean Guichet, et son fils Gilles Guichet, d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.

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